Un homme si peu vivant, moi combattant survivant. Une boue enterrant petit à petit chacun de mes pas. Chaque nuit je te rejoins, chaque nuit est un printemps un songe, entre aube et sombre. Mon monde en dedans. C’est du sang, du sans toi étrangement, trancher entre rêve et monde du dedans.
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Je t’écris du sombre de ma tante. Verdun est froid, humide, austère en plus d’être le centre du monde, celui de la guerre.
Dans quelques heures les camions vont venir nous chercher pour nous ramener au front. Maudite tranchée. J’espère, ce soir, revoir mes copains. Chaque jour est une immensité à traverser. Chaque homme colle au sombre au sans dedans, du sang également.
Je nourris l’espoir de te revoir, toi André Lipo. L’homme que j’ai désigné comme celui qui prend soin de ma mère.
Au cas où je ne reviendrai pas de l’enfer du monde. Sur le granit de n’importe quel tombeau d’un soldat inconnu, je voudrais que tu inscrives à la craie mon prénom. La craie c’est un peu comme le sang des soldats, ça disparaît sous des larmes ou de la pluie.