Je les fumais les unes après les autres, sans les compter, me rationner. En aspirant lentement, devant eux, comme si cela avaient été des bouffées d’air frais. Puis entre deux ronds de fumée, je leur affirmais qu’il me fut très facile d’arrêter. La seule condition étant d’être inspirée par ce choix… Un jour sans doute, peut-être... Non ?
En attendant je ne lâchais pas mon étendard incandescent, ma belle blonde longue et fine. Malaise et interrogation dans leurs regards, petit sourire en coin pour moi. Disposition à provoquer gentiment. J’adore faire mon intéressante devant eux en me la jouant délicieux poison …..
Finalement une dernière cigarette a été consumée. Moi condamnée .
Une cigarette différente des centaines que j’ai pu fumer, auparavant. Le briquet allume la dernière cigarette le conte de fée vit son apogée, le compte à rebours s’amorce.10,9,8,7,6,5,4,3,2,1…Le dernier moment partagé avec lui.
Et le "tant" m’échappe , je suis dans le sablier que la main du destin n'a de cesse de retourner. Je voudrais être le grain de sable mutin, celui resté accroché au monde auquel il appartient .
Je regarde la cigarette se consumer, se désagréger, se transformer en cendres. Je fais diversion en entortillant mes cheveux …. La dernière cigarette devant lui. Cette ultime cigarette que je consume en sa compagnie … Elle me brûle de là jusqu’à là. Notre aventure meurt à partir de ce cendrier.
Je le regarde se lever pour aller payer nos cafés, je lui souris …. Mon sourire sera, de moi, sa dernière vision.
J’attends qu’il soit de dos pour me lever et commencer à partir. Mes gestes sont lents, je le scrute une dernière fois, afin de sculpter mes futurs souvenirs. Ce blouson qui me plait tant, parce que le sien. Mon dernier voyage vers lui .
Il y a beaucoup de monde au comptoir qui attend, il patiente et ne se retourne pas. Pourtant, il suffirait qu’il se tourne à demi, comme à demis mots une invitation à rester, et là je n’aurais pas le courage de m’en aller, je ne saurais résister. Mais parait-il, il le faut …. Sa manière à lui de me laisser raccrocher, décrocher.
Une larme naissante me presse de partir. En aucun cas je ne supporterais qu’il la voit … Parce que l’une ne pleure pas, elle crée juste un sourire dans la nuit.
Cette cigarette unique résumerait bien des choses, l’ histoire d’une "faim "et d’un départ. L’une a envie de vivre de bout en bout. Mais un flot lacrymal immense m’emporte loin, loin de lui.
J’attendrais avec patience, le jour d’après, celui d’une prochaine cigarette, peut-être en sa compagnie… Le jour où l’un et l’autre seront prêts pour un sentiment absolu . Cette journée portera un nom, celui d’une saison, la saison que j’avais temps espérée ….. Et si …., des si , des non , décidément des jours manqués , ce manque , se manquer ….. Je ne sais pas, je n’ai jamais rien su, et je ne sais que vivre . La survie, je la laisse pour ceux qui se figurent tout avoir .
Tiens ! Je n’ai plus de clopes, faut que j’aille en acheter .
