La dernière ligne d’arrivée. Les derniers kilomètres en voiture, représentait un véritable enfer. Pour atteindre ce petit village des Corbières, en juillet, c’était : chaleur, impatience, virages à répétition et fatigue, le tout concentré sur un même espace temps … Et parfois pire, si par manque de chance une 2CV roulant à fond, c’est-à-dire à 40 km/h, pétaradait devant nous. Parce que doubler était impossible, puisque aucun champ de vision sur cette route ressemblant à un immense serpent, enroulé autour des vallons. Domy ma soeur, annonçait toujours trop tard qu’elle allait être malade. C’est à ce moment que Patricia ( mon autre sœur) et moi, véritablement, la maudissions…On s’arrêtait, mais ça ne faisait pas passer les nausées !
« Enfin loin de Paris … » C’est à peu près ça que tout le monde ici nous disait, quand nous arrivions. Comme si vivre dans la grande ville pleine de rues était pour les autochtones un calvaire, une punition. Pour certains ce choix de vie restait un mystère. Pourquoi donc aller se geler là-haut . « On n’est pas bien ici ? « devise, toujours d’actualité dans la région…C’est vrai qu’à notre arrivée, nous étions bien blancs et tous froissés, surtout papa, le pilote, super fatigué de l’expédition… Ah, les premières impressions.
Mais 817 km à cinq dans un paquebot une CX, avec valises et chien dans la malle, comment vouliez-vous que nous soyons ?
Ma grand-mère, mamé, mes tantes, ma mère, et nous les petites filles, un clan fonctionnant sur mode matriarcal durant l’été. Elles parlaient, cuisinaient pour 12 tous les jours, et s’engueulaient beaucoup aussi. Du banc de dehors on entendait pratiquement tout. La porte d’entrée était ouverte, seuls les rideaux à bandes de couleurs volaient, ça laissait rentrer l’air et les mouches aussi…
Le calendrier de la poste posé debout sur le buffet de la cuisine, le placard à gâteaux, toujours, comme par magie rempli, dans cette pièce, non pas la plus grande, mais la plus importante. Grande cuisine, grande table et les femmes autour de celle-ci, un rendez-vous pris de 14h à 15h, tous les jours sans exception. Les hommes : pères oncles et grand-père occupés la plupart du temps à pêcher, c’est-à-dire à roupiller sous un arbre…
Avant de nous emmener à la rivière ( l’une des rares distraction, mais ô combien appréciée par de nombreuses générations) , elles, ces femmes, buvaient ensemble le café. L’arôme remplissait toute la maison. C’était une quasi cérémonie pour mamé, ce moment privilégié, celui du café trop corsé d'après ce que j'entendais. Cette femme avec toutes ses grandes et petites filles. Un moment sacré, consacré à se retrouver.. Oh , ces femmes là ne parlaient pas des grands sujets d’actualités, elles étaient autour et entre elles à se souvenir ou à parler de leur quotidien, des maris, des petits, nous. Nous les enfants, en bout de table avec dînette et grenadine les imitions.
Marion, la plus jeune des cousines, dépassait à peine de la table. Son champ de vison était un horizon sur toile cirée. Elle passait de bras en bras, avec gros poutou de mamé au passage. Marion avec ses colères faisait l’attraction.
Dans ce minuscule village des Corbières, c’est à peu près ainsi que les maisons de juillet à août, se remplissaient, vivaient. Et quand nous repartions, mes parents restaient silencieux jusqu’à l’autoroute. Quelques kilomètres et déjà de la nostalgie. Des jours d’été des souvenirs, collant comme des bonbons.
