Lucas ,
Enfin de tes nouvelles. Cette lettre qui me parvient est une sorte de miracle. Hum ! Moi en train presque de croire en ce genre de phénomène, c’est inattendu.
« normalement « je ne sacralise pas…Tu le sais bien. Cette lettre n’est en rien une imposture pourtant, tes mots sont bien là , je les tiens entre mes mains. Toi lié à mes pensées, enfin via tes écrits, je bois et avale chacun de tes songes. Le passage de cette lettre jusqu’à moi, comment l’expliquer autrement que par un miracle ? Je ne suis plus certaine rien de toute façon.
L’idée même d’être séparés, il n’ y a ne serait ce qu’un an aurait été pour nous incompréhensible, inconcevable . Mais voilà c’est vrai. Le monde a changé, le monde entier s’est retrouvé bouleversé en quelques mois. Nous en particuliers, puisque nous sommes séparés, déchirés. Hélas notre réalité : toi en prison et moi enfermée dans notre petite cité.
Les sons de ta prison que tu décris dans ta lettre résonnent en moi et m’atteignent, ils ressemblent à mon quotidien. Les sirènes et les hurlements pour nous aussi… Les soldats aboient et les chiens attaquent.
Ici les chiens ne sont plus ces chiens tranquilles que tout le monde connaissait, ce ne sont plus des compagnons qui veillent, ou qui jouent avec les enfants. Une autre race les a remplacés, à présent il s’agit des chiens adjoints de leur maître : des binômes dressés pour épier, nous observer et parfois planter leurs crocs.
J’ai souvent l’impression d’être un personnage d’un roman celui d’Orwell. Je me refuse de te décrire quand les bêtes sont lâchées …Description inutile, puisque tu la sais. Les habitants du village ne sont plus que des gens qui filent droit, les femmes courbent le dos et la milice ressemble à une armée de robots. La force a transformé le village en une sorte de camp, une voix froide et métallique accorde nos journées et indique le sens de nos pas.
De loin nous distinguons le cri des combats, et des assassinats. La guerre renvoie son écho et ses cendres. Il n’ y a pas que le ciel qui semble rester calme, en suspend. Néanmoins un ciel sans couleurs, absence de bleu et de violet, mais que du gris comme horizon. C’est en corps moins que le néant.
Notre village entend et attend, nous tous recouverts de poussières. D’une manière ou d’une autre c’est bien dans de la terre que tous nous finirons…
Jamais, je n’aurais cru possible d’ enchevêtrer mes espoirs au son de la mitraille. Je ne pensais pas que mes combats et une hypothétique délivrance auraient ce timbre là… Plus jamais je ne rêverais de victoires.
Je m’imagine parfois en train de grimper à l’arbre le plus haut qui soit , afin de pouvoir y suspendre mon chagrin.
Mes mots parviendront-ils jusqu’à toi Lucas. Penser à plusieurs miracles, ma foi , pourquoi pas ?
Edwige . Je n’ose utiliser le verbe aimer de peur que ma missive soit censurée.
Commentaires
Quel texte, on n'en sort pas indemne.
Tant mieux :)