Lucas, une lettre que je ne peux envoyer à cause de la censure, un journal que je commence à tenir, le constat de la fin d’ un rêve étant à portée de mains...
Je découvre qu’une part de moi s’est modifiée, je suis étonnée de voir comment je me suis adaptée de plus en plus à la situation. Cela m’effraye, je m’effraye.
À chacun de mes débuts de journées, un nouvel être, un trouble cohabite dans mon esprit. Une nouvelle elle s’est greffée à mes parois. Je découvre le trait d’union entre la survie et moi : la prudence qui, à présent dicte tous mes faits et gestes. Je n’ai aucun contact avec la résistance et pourtant je me sais épiée, à cause du simple fait de t’aimer.
Une ombre envahit mon visage, chaque matin encore d’avantage… Une part de moi que j’ai délibérément mis en sommeil se planque confinée derrière ce voile sombre posé sur mon regard. Cette partie de moi sous couverture de survie est ma liberté, mon esprit critique, ce penchant irrésistible pour l’indépendance.
Je cache mon inquiétude dirigée vers eux, ceux ayant osé, comme toi, dénoncer avant même que le régime soit au pouvoir, la propagande. Tes craintes anciennes et ton intuition sont devenues réalité, hélas…
Des tas de questions m’assaillent sans arrêt. Je ne sais même pas si ut es en corps en vie. Aucune information de toi depuis 1 mois déjà, c’est suffisant pour que je pense au pire.
Depuis des semaines la méfiance m’envahit. Cette méfiance paraît me sauver pour l’instant, mais finalement à quoi bon… Je suis dégoûtée en observant les sympathisants au régime, et leur comportement qu’ils pensent exemplaire. Un comportement basé sur la délation et le zèle à plaire. Acquiescer l’insupportable ne leur suffit pas, on dirait…
Je suis partagée entre l’espoir de tenir, tenir l’espoir debout, ou consentir à l’expression de mon dégoût ouvertement.
Je sais pertinemment que ma révolte me conduira soit en prison ou devant un peloton. Serait-ce vraiment pire à cette sorte de survie ?
Si au moins j’avais foi en un Dieu, la décision de sauver mon âme pourrait trancher. Mais voilà je ne possède pas la détermination des martyrs.
Quoiqu’il advienne de moi, il me reste la consolation du souvenir d’avoir vécu intensément avant le sombre de ces jours . Cependant, je ne suis pas certaine d’avoir envie de devenir vieille, une dame âgée marchant la tête enfoncée au début d’un dos courbé et ne sachant plus vraiment ce que c’est que de regarder l’existence droit devant…
Commentaires
bonjour
surprise,j'arrive de chez magicien Ox et je suis de carcassonne, il se trouve que je viens d'etre edité ,comme il semble que vous le soyez aussi
je m'installe pour lire un peu
a bientot
patrick
"Un Etat totalitaire vraiment "efficient" serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude."
A. Huxley, préface au "Meilleur des Mondes", 1946.
Avec mes compliments pour ton texte qui, comme tu sais si bien en jouer, recèle des mots qui savent nous surprendre au détour d'une phrase, et faire jaillir, de la noirceur d'un quotidien botté, un éclat diamantin de vérité.
Qui est donc cet Edvige ? La femme de quel Ministre ? Pour qu'on parle autant d'elle.
@ Patrick: oui je confirme la sortie de la montagne de mots, moi aussi je vais lire un peu chez vous
@ Pascal: Merci ! Je suis heureuse que ma petite contribution aux travaux te convienne :)
@ une ville un poeme : une bien curieuse personne je crois bien, un personnage peut être celui d'un roman qui sait ....
bonjour
et merci de votre visite, le couplet sur la lune etait de circonstance
a bientot
patrick
RESPECT !
C'est du grand Sélène que tu nous offres là, merci.
Merci à toi Dom.
Edwige-Amour,
Ce court billet te parvient par l'intermédiaire d'un maton, en échange de la lettre qu'il m'a demandé d'écrire pour déclarer sa flamme à sa brune. Je serai bref, je n'ai plus de papier. Punition de l'Administration depuis que j'ai voulu organiser un vrai Noël au foyer de la prison. Noël : Soleil, espoir et renouveau. Intolérable symbole pour le Régime, sauf détourné à son profit, en pavois et oriflammes... Il me reste quelque place pour te dire mon amour. L'amour est la seule chose pour laquelle on puisse tant vivre que mourir - définition de l'essentiel ? Qui est mort, qui est vivant aujourd'hui ? Si l'on ne sait plus, c'est que l'Amour meurt. Après celle du grand Pan, cette mort sera l'ultime catastrophe. Mais le Phénix renaîtra. Ciao Bella !
Ici Radio Londres, "No Pasaran", I repeat "No Pasaran"