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Mes pas avec elle

Les états seconds m’étaient indispensables, impensables de vivre autre part que dans ma sphère de soma. Figée dans une boule de pâte à modeler sèche et tiède : mes névroses superposées. De là, pourtant, j’ai aperçu les yeux de mon enfant, un regard ayant du mal à reconnaître sa mère. L’une presque étrangère, silhouette abîmée, traits du visage tirés, moi désorientée ne sachant faire face à la proximité des individus. Un petit être délicat, malgré tout, s’avançait lentement dans la cuisine, ne comprenant pas pourquoi il avait la sensation de déranger en réclamant ses céréales et son chocolat. Il osait à peine de moi s’approcher. Ses mots m’étaient adressée, et doucement prononcés. La parole d’un petit bout de moi qui n’osait pas. Cet enfant, le mien devenu victime de mon désarroi. J’étais coupable et témoin numéro un, je voyais l’incompréhension submerger l’enfant, déborder du bleu de ses yeux : liquide amer. Billes irisées, caillots de sans autrement, regard brillant. La larme de mon petit roula, me renversa, me réveilla. Il était temps, il était tant…Les non-dits sont si violents dans les moments comme « ça ». Ce matin-là me laisse une trace et un goût âcre, où était la mère ? En un instant, en une seconde j’ai admis qu’il fallait que je l’épargne…parte ? Mes yeux cernés, ma façon d’être exaspérée de tout, je ne pouvais plus me permettre de faire subir « ça ». J’ai  serré mon enfant, j’avais ce désir de l’emporter loin d’elle, moi devenue ridicule et grotesque. Des émotions confuses et corrompues entre l’enfant, son chérubin et elle. Cette mère médiocre parente, et l’ange désireux de la garder là tout près… L’éloigner de mes étranges besoins d’abandon. La femme plus tout à fait mère entourant de ses bras ce fils, ne pouvant pas s’empêcher de pleurer ailleurs que sur elle-même . Découragée et à bout de force aussi, je lui servis le petit-déjeuner avec plus de mal que de bien, gestes maladroits et hésitants. Où sont les objets et leur place, l’étagère du sucre et du lait ? Puis je l’ai emmené à l’école d’un pas lourd et approximatif. Mon bout de chou me serrait très fort la main. Si fort. Il était là donnant  cette impression celle de se débrouiller tout seul, puis moi déchirée et indigne à la fois. Mes pas avec lui.


Mes pas avec elle, sur le chemin de l’école, je lui serrais très fort la main. Si fort. Si j’avais eu la force d’un homme, je lui aurais broyé les doigts afin de la ramener vers moi, rejoindre ma vie celle de l’enfant que j’étais. Mon enfance pouvait être gâchée, mais pas avec elle, pas à cause d’elle. Une brume dissipait souvent son regard, elles étaient étranges ces larmes qui n’arrivaient pas à couler, et mère j’ai. Je souhaitais la voir, comme avant, amusée par mes tourniquets autour de la table, et l’entendre à nouveau chanter avec moi dans la voiture lors des trajets trop longs. Mais voilà, ma mère demeurait sombre comme l’ennui, comment trouver le bon instant pour la réveiller ? Tous les rituels rassurants m’ont, un temps, manqué. À présent je devine son pincement au cœur, j’ai la force d’un adulte, je suis devenu homme, avec ce droit inné et naturel de lui reprocher l’absence. Je suis toujours son enfant.

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