C’est bien simple presque partout où Max allait, je le suivais. Nous deux copains et voisins depuis toujours, je crois bien…Il était là tout près tout le temps, nos mères se dépannaient avec une sorte de garde alternée de leur bambin respectif, c’est-à-dire nous. C’est sans doute à force de les voir passer du stade de voisines dépanneuses à celui d’amies que Max et moi le sommes devenus aussi. Puis après ce sont nos pères qui se sont mis à être des potes. En l’espace de quatre ans, voilà nos deux familles groupées dans les locations de vacances de juillet où des dîners, le samedi soir. Max et moi côte à côte en train de jouer ou de regarder la télé pendant que les grands parlaient du monde. C’est comme ça qu’est arrivé cette sensation d’être comme des frères. À force d’être réunis, ces deux paires d’adultes avaient trouvé de la compagnie agréable pour eux et leurs enfants uniques.
Quand ma mère me demandait si j’avais passé une bonne journée, je lui racontais ce que Max faisait . C’était toujours lui qui faisait, moi je n’étais juste jamais loin de lui, ça me suffisait. Et suffisait à ma mère, la rassurait de ne plus me voir tout seul, enfin. La gaillardise de Max atténuait mon air, d'après l'entourage, anxieux . Il y avait Max au foot, Max à la récré, Max… et moi enfant près de lui. Puis il y a eu Max au pays de l’adolescence et des relations avec les filles, ou l’époque des premiers pétards roulés, des vinyls achetés en commun, là ce n’était plus des journées à décrire à ma mère, à la manière des livres « Martine » . Sur tout, à partir de mes seize ans, c’est là que j’ai recommencé à me taire.
De l’observer ne m’ennuyait pas, ça m’occupait, m’amusait aussi parfois. De toute façon, qu’aurais-je bien pu avoir à dire ou à faire. Moi j’attendais juste, la majorité, le droit de foutre le camp, d’assumer qui j’étais vraiment. Mais ça s’est passé différemment …
Je me demande bien quel genre d’homme je serais devenu, si à vingt ans j’avais choisi de survivre à cette putain de maladie. Voir ce que ça aurait donné si je ne m'étais pas foutu en l'air …Sans doute, un solitaire, ayant coupé certains ponts, ceux du clan, la réalité de cette famille. Trancher la gorge au silence .
D’une certaine manière Max et moi, nous nous ressemblions un peu, dans ce trait de caractère, celui de cet irrésistible penchant pour être au singulier.
« Le devine enfant « , c’est ainsi qu’elle me raconte ma mère. Je n’ai jamais réussi à lui décrire, de vive voix, qui j’étais vraiment…
C’est bien simple presque partout où Max allait, je le suivais. Je m’évadais un peu, un peu amoureux de lui aussi sans doute…Qui sait.
Je continue de le regarder Max, de là où je suis c’est-à- dire d’un endroit qui n’est pas forcément le ciel. Je la vois aussi, elle pour les instants près de lui. Mon souvenir les a réunis…
Commentaires
J'aime beaucoup cette "histoire"... vraiment !
Voilà une bien belle évocation, qui touche juste, une fois de plus. Pour avoir eu, comme beaucoup d'enfants uniques, un tel "frère" aussi réel qu'imaginaire, je lis aujourd'hui ce récit en manière d'introspection, pour finalement adresser une pensée à Luc et lui dire que Max, sans jamais rien en dire, faisait certainement beaucoup d'efforts de son côté pour mériter une telle admiration, sa façon à lui de payer en retour pour cette fraternelle amitié.