C’était le règne du ménage de printemps, les poussières déménageaient. Quadras fatigués, déjà, de Paris, au beau milieu d’une destinée avec femme et enfants à bord, s’arrête la décision de s’installer ailleurs. La métropole dont ils avaient souscrit à la ruche les avait excédés. Ce miel, fruit d’un abus de travail, un doré ayant perdu de son brillant. Le couple constatant être lassé d’un manque de lumière, duo corrodé à l’usage, à l’usure d’un rythme trop rapide. Partir alors ! Se griser saisir la vie autrement. Ainsi l’on fabrique de l’inédit avec cette fameuse saveur celle du mouvement, l ‘impulsion …Ailleurs, et sa part de bonnes heures espérées, là où l’été met l’accent, parfois jusqu’en octobre, ce qui donne au sud l’impression d’être un endroit chaleureux. Là où les gens prennent le temps de se parler sérieux, d’enjoliver leur langage en insérant des « ingue » et des « E » mimant aussi avec les mains les paroles quand c’est importantgue , riant et pleurant très fort, exagérant presque toujours. Il faut s’y habituer, parfois c’est lourd…Mes parents ont supposé qu’ailleurs, plus loin ça serait mieux, proposer un regain à la place d’un refrain de lassitude, un sursaut, « surs sont les sots de s’obstiner de se détraquer » C’est ce que mon père disait. Ils se sont arrachés, pour atteindre donc la douceur apparente du midi, se dévêtir, se découvrir l’esprit plus léger. Leur départ, le déménagement fut vécu par la troisième, la petite dernière, elle, moi, comme une sorte d’évènement plus qu’extraordinaire, mais plutôt comme une fête. Je n’avais que dix ans, agitée à l’idée de l’inattendu, à l’identique de mes parents que certains prenaient pour des originaux. Elle, curieuse, et dans ce même temps angoissée, dite angoisse partagée par mes deux sœurs aînées. La voiture pleine à craquer suivait l’énorme camion, un départ comparable à celui des grandes vacances. Se fondre dans un partir, à partir de ce moment, il y aurait un avant et un après « pari ». Un apprêt sentant à la fois les cartons et le neuf, débarquer les trois nouvelles, s’embarquer dans une autre histoire, une enfance plurielle. D’autres copains à s’amouracher, à détester, d’autres avec qui jouer à imiter leur accent, et figer aux portes de la cour de récré les histoires de grands…
Puis cette maman louve qui ne cessait de nous rassurer en répétant tout du long que tout allait bien se passer. J’ai vu cette mère palier à nos angoisses, nous ses filles. Via ses paradoxes, répartissant tantôt réconfort, douceur et autorité. Maman nous investissait de diverse missions, cela nous responsabilisait et nous impliquait. Nous « familiariser » avec ce nouveau départ. En faveur de cette commune mémoire ce pan de notre histoire, nous vivions près des unes et à côté des autres, devenues fortes grâce à cette réciproque affection. J’ai observé mes parents se battre pour un quotidien rassurant, confiants à insister dans leur grande décision. « Les filles du récent libraire », c’est ainsi que dans cette ville pour nous nouvelle que l’on avait fini par nous appeler…Cette expression résumait presque tout, la preuve que nous étions tous arrivés à s’attacher et se lier à cet endroit.
Commentaires
Il est tard, j'arrive pas à dormir, alors je viens faire un tour sur la lune... et oh surprise, un nouveau texte bien agréable à lire ! Merci toi :)
un avant et apres paris ? pari réussi finalement?
1981. Moi aussi, cette année-là, je quittai Paris ; Versailles, pour être plus précis. Mon père voulait retrouver le Midi. Problèmes de santé, et d'envie de changer de vie. Coûte que coûte, nous avons atterri - ou plutôt échoué - à Aubagne, près de Marseille. Mon père a trouvé en soleil ce que j'avais perdu en amis. J'avais pourtant l'habitude de partir. Tous les 2 / 3 ans, mon père militaire demandait sa mutation, changeait de garnison. Marseille, la Normandie, Bordeaux... Mes parents aimaient ça, changer. Moi aussi, à cette époque-là. Oh non, je ne leur en veux pas ! Grâce à ça, j'ai beaucoup appris et je connais presque tout mon pays. Mais ce dernier départ fut une vraie dégringolade. Une catastrophe collective. Une pente que je n'ai jamais vraiment remontée. Pourtant, j'ai essayé de renouer le fil rompu de ma vie. En vain. Je sais maintenant ce que fatum signifie.